mardi 28 février 2006

Réunion. Le chikungunya: un problème sanitaire, des conéquences écologiques. Les errances des pouvoirs publics en 6 étapes

Depuis le 22 février 2005, la Réunion (780.000 habitants) est confrontée à une épidémie de chikungunya que personne n’a vu venir. La lenteur de la réaction des pouvoirs publics a conduit à la panique, à une explosion de cette maladie dangereuse et à l’utilisation généralisée de pesticides dangereux sur l’île !

Cette maladie qui se manifeste par de fortes fièvres et des douleurs intenses se transmet par les piqûres de moustiques.


1. L’Etat français réagit tardivement et mal

L'Institut national de veille sanitaire (INVS) assurait dans une note du 3 mai 2005 que "l'importation de chikungunya (depuis les Comores, où une épidémie sévit alors depuis cinq mois) ne constitue pas un phénomène inquiétant en termes de santé publique." Le même mois, la DRASS recense pourtant 460 cas en une semaine. La progression de la maladie est ensuite foudroyante :
- 21 mai 2005 : 474 cas.
- 13 juin 2005 : 1.678 cas
- 25 juillet 2005 : 2.724 cas
-8 août 2005 : 2.959 cas
-19 novembre 2005 : 4.532 cas identifiés avec une croissance exponentielle de 50 à 100 nouveaux cas par semaine !

2. Une année de perdue!

Alors que depuis septembre 2005, le PCR et d’autres voix sur l’île préconisent l’usage du bacillus thurengensis (BTI) sur les larves (méthode employée au Pérou ), en novembre, l’État privilégie la lutte contre les adultes avec des épandages massifs de produits chimiques. Un an a été perdu pour faire une réelle prévention au niveau de cette épidémie et on commence a utiliser du pirimiphos-méthyl ( un insecticide organophosphoré neurotoxique). Cette lutte est inefficace.

le 18 janvier 2006 un collectif de médecins déclare: « Le chiffre de 7.600 cas déclarés pour tout le département est un mensonge que nous espérons par omission, à quelques centaines près, il correspond au nombre de malades sur le secteur de Saint-Louis à lui seul. » La sous estimation de l’épidémie continue donc ! Comme les pulvérisations massives.

3. Des pulvérisations de pesticides dangereux


On pulvérise maintenant du Téméphos, et du Fénitrothion à tour de bras sur l’île ! Ces pesticides sont très dangereux pour l’environnement, jugez en plutôt :


FENITROTHION (BAYER) : Il s’agit d’un insecticide organophosphoré, inhibiteur des acétycholinestérases et donc neurotoxique, classé Xn (nocif) et « très toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique ». Il est suspecté d’être un perturbateur du système endocrinien.

TEMEPHOS : Le téméphos est une substance active radiée (non-inscrite dans l'Annexe I de la directive 91/414/CEE) sauf pour les préparations bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché pour une catégorie d'utilisation de type biocide et les produits utilisés en agriculture et destinés à la lutte contre les organismes animaux ou végétaux vecteurs de maladies humaines ou animales (autrement dit plus utilisée pour les usages purement agricoles, c’est un biocide, pas un produit de protection des plantes) Il s’agit d’un insecticide organophosphoré, inhibiteur des acétycholinesterases donc neurotoxique. Il est à ce titre classé comme toxique chronique du système neurologique par le Toxic Release Inventory au USA.


4. Des espèces menacées

Le résultat est là : depuis le début du traitement chimique autour de leur zone de travail, on observe la mort d’abeilles, de zoizo blan, de cardinaux, de guêpes et de nombreux insectes peut-être même les plus rares, de chiens de chats, de caméléons. Les écosystèmes sont menacés, et des crapauds (qui mangent 5 kilos d’insectes par an) ainsi que des endormis ( qui gobent 150 grammes d’insectes par jour ) disparaissent à leur tour...laissant le champ libre aux moustiques !!!

Des personnalités comme la sénatrice Gélita Hoarau militent pour le recours au recours au bacillus thurengensis (BTI, moyen de lutte biologique) pour s’attaquer aux larves. Le BTI est utilisé depuis plus de 20 ans pour lutter contre le paludisme au Pérou par exemple. Il est possible de cultiver la souche de BT localement a peu de frais et de l’employer sans risque par la population elle même. Ces élus y voient là la possibilité de faire participer la population à la lutte anti-vectorielle et de prévenir les dégâts environnementaux.

5. De nouveaux mode de lutte

La Préfecture a finalement validé le protocole d’utilisation de 2 nouvelles molécules pour le traitement du moustique vecteur du chikungunya…mais la Deltaméthrine vient se substituer au Fénithrotion pour le traitement des moustiques adultes et le BTI au Téméphos pour celui des larves. La deltamethrine est cependant également très problématique :



DELTAMETHRINE : Insecticide classé T (toxique aigu) et « très toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique » De plus la deltamethrine est classée perturbateur endocrinien selon l'Union Européenne.

6. Bilan après une année d'errements...et de langue de bois


Aujourd’hui : 157 000 personnes sont touchées et il y a eu 77 morts pour près de 770 000 habitants. Cette épidémie est une catastrophe et nous ne pouvons qu’exprimer notre solidarité au peuple réunionnais dans l’épreuve.

En réagissant assez tôt on aurait sans doute pu éviter cette catastrophe sanitaire qui se double maintenant d’une catastrophe écologique. Des élus PCR de l’île interpellent les autorités. Ce n’est que 10 mois après le début de l’épidémie que la solution du Bti est appliquée, alors qu’en dépits des pulvérisations massives d’insecticides, les moustiques vecteurs sont toujours là. Les dégâts actuels dont on ne connaît pas encore toute l’ampleur auraient pu être évités.


Il aurait fallu privilégier l’élimination des gîtes larvaires par des techniques mécaniques (enlèvement des déchets) et utilisation de Bti (produit biologique). Il est encore temps pour réagir et privilégier ces méthodes efficaces aux méthodes chimiques massives qui vont ruiner la richesse écologique de cette île et n’ont pas réussi à juguler l’épidémie malgré 4 mois de pulvérisations intensives sur l’île.

Les autorités prétendent toujours que les produits utilisés ne sont pas dangereux…
Quand le journal le Monde pose la question de la dangerosité des pesticides employés au Président du Conseil Général de l’île, Paul Vergès, il a cette réponse : « On fait souvent les choses dans la précipitation, c'est un problème. On prétend que les insecticides utilisés ne sont pas nocifs, mais la population ne comprend pas pourquoi, alors, les services de désinsectisation se déplacent la nuit, demandent aux personnes de fermer leurs fenêtres, de ranger les jouets des enfants qui traînent dehors et de ne pas manger de fruits ou de légumes de leur jardin pendant quinze jours. » Sans commentaires…

www.mdrgf.org

1 commentaire:

  1. j'habite la Métropole et je viens de lire votre article.

    Quel drame ! D'autant qu'il y a peut-être une solution écologique tout au moins en milieu urbain.

    Je l'ai déjà soumise maintes et maintes fois à tous ceux qui ont en charge de près ou de loin l'élimination des moustiques nuisibles. Mais toujours sans réponse.

    Cà me fait mal au coeur de lire des choses pareilles, quand on sait qu'avec un simple appareil à 282 € ht on peut les éliminer sur 1/2 hectare ! En + c'est écologique !

    si vous voulez, je peux vous donner mon e-mail : comccadour@wanadoo.fr
    je vous en dirai +

    RépondreSupprimer