lundi 24 juillet 2006

Des fruits biologiques contre le cancer


Des fruits biologiques contre le cancer ?
Source : Novethic, Marie-Paule Nougaret

Les fruits et legumes "bio" protegent mieux du cancer que ceux de l'agriculture conventionnelle et les anciennes varietes de fruits encore mieux, selon deux chercheurs anglais. Ceci provient de leur richesse en salvestrols : des composes qui tuent dans notre corps les cellules cancereuses et elles uniquement.
Deux chercheurs anglais ont decouvert une nouvelle classe de substances vegetales susceptibles de proteger - et a haute dose de guerir - du cancer. Ils les ont appeles salvestrols de salvius, en latin, ce qui sauve. Le professeur Daniel Burke cherchait une therapie non toxique de la maladie, fondee sur les reactions de guerison. En effet, dans le corps humain, des cellules s'engagent tous les jours sur la voie d'une proliferation cancereuse, mais les systemes de defense les eliminent rapidement.
Burke a d'abord decouvert, en 1997, une enzyme humaine inconnue, le CYP 1B1, qui se trouve systematiquement dans les cellules cancereuses et celles-la seulement. Le code genetique de cette enzyme demeure, en effet, inexprime dans les autres cellules. Nombre de laboratoires l'ont verifie.
Comme d'autres enzymes de la meme categorie "CYP" participent, dans les tissus normaux, aux processus de detoxification, Burke s'est donc demande si le CYP 1B1 des cellules cancereuses n'appartenait pas a l'arsenal des defenses humaines contre le cancer. Il s'est alors associe a Gerry Potter, de l'universite publique De Monfort, en Angleterre, ou lui-meme dirigeait le departement de pharmacie, pour trouver de nouveaux traitements chimiques de la maladie, si possible moins violents.
En effet, les toxiques employes en chimiotherapie tuent les tumeurs. Mais ils passent d'abord dans le sang et le systeme digestif, en declenchant des effets secondaires douloureux. Il s'agissait donc pour les chercheurs de creer une molecule qui deviendrait toxique en presence du CYP1B1, sur place, dans la cellule cancereuse, sans empoisonner au prealable le reste du corps. Lui et Burke ont ainsi formule un nouveau traitement (nom de code DMU 212) par la suite vendu par l'universite a une firme pharmaceutique, qui le teste en ce moment.
Cette recherche avait montre que le CYP 1B1 agissait sur des composes vegetaux, en les changeant legerement. Potter a eu l'intuition que cela pourrait expliquer l'action benefique d'un regime a dominance vegetarienne. On sait en effet, depuis 1992, que l'acide folique (des feuilles vertes) et trois anti-oxydants des fruits et legumes frais (vitamines C et E, pro -vitamine A) protegent les populations du cancer. On a depuis trouve maintes molecules vegetales aux vertus anti-cancereuses, dont le celebre resveratrol des feuilles de la vigne, du raisin et du vin. D'ailleurs, des 2002 Burke et Potter publiaient dans Le British Journal of Cancer qu'en presence du CYP 1B1, le resveratrol devenait un toxique cellulaire bien connu, le piceatannol, deja employe en chimiotherapie.
Ce faisant, les deux chercheurs avaient repere d'autres produits vegetaux susceptibles de devenir, eux aussi, des tueurs de cellules, en presence de CYP 1B1. Ils les ont designes sous le nom general de salvestrols. Il pourrait en y avoir 50. Ils ont deja verifie 23 d'entre eux. Ils les ont isoles de fruits, de fleurs ou de racines : fraise, orange, mandarine, raisin, poivron, aubergine, olive, basilic, sauge, thym, romarin, menthe, artichaut, chardon-marie et pissenlit. Burke ne parvenant plus a obtenir de financement public pour des recherches qui s'eloignaient trop de l'industrie, c'est a la retraite qu'il fonde en 2004 le laboratoire prive Nature's defence.
Les fonds du laboratoire proviennent de dons de particuliers et de la vente sur Internet de salvestrols hautement concentres (jusqu'a l'equivalent de 300 kg de fruits), extraits de l'orange de la fraise et du raisin. L'ethnobotaniste Anthony Daniel, explique que son equipe a etudie 510 varietes d'oranges pour trouver la plus riche en salvestrols. Il se trouve que les vieilles varietes de fruits en contiennent souvent davantage. Sans doute, ajoute-t-il, parce que les selectionneurs modernes cherchent a obtenir des fruits sucres et que les salvestrols presentent un goût amer.
Pour eviter l'amertume, les societes de distribution ôtent les salvestrols des jus de fruits, par un procede simple, la clarification, car ces actifs se concentrent frequemment dans la peau du fruit. C'est pourquoi le vin rouge francais, fermente sur les baies, renfermerait plus de resveratrol que celui du nouveau monde, trop vite passe a la centrifugeuse. Enfin, Nature's defence estime que les vegetaux issus de l'agriculture biologique contiennent en moyenne 30 % de salvestrol en plus.
Cela se comprend aisement explique Burke. La vigne, par exemple, produit le resveratrol, substance de defense (ou phytoallexine) en presence de champignons pathogenes comme le mildiou. Mais si on traite la vigne aux fongicides, l'attaque du mildiou n'a pas lieu et la synthese du resveratrol non plus. Cela a ete demontre scientifiquement sur la vigne americaine muscadine Vitis rotundifolia. Les defenses des plantes semblent donc re-programmables pour detruire les cellules cancereuses chez l'humain.
Nature's defence commercialise, pour l'instant, trois salvestrols, dont le resveratrol et deux autres, selon elle, plus efficaces, dont elle tait le nom. Tous se trouveraient favorises par l'agriculture biologique. Mais un pesticide tres repandu bloquerait, dans les cellules cancereuses en culture, l'action de l'enzyme CYP1B1 sur les salvestrols.
Le laboratoire negocie aujourd'hui avec la Soil Association, principal label anglais d'agriculture biologique; et participe au projet Eden, sur l'agriculture du futur, du Jardin Botanique Royal de Kew ou l'on teste differentes productions pour leur taux d'actifs anti-cancereux.
L'equipe pourra-t-elle encore garder ses secrets longtemps, dans l'espoir de financer ses recherches ? Il est difficile ne pas publier des resultats aussi prometteurs. Burke annonce donc prochainement une definition des salvestrols dans un journal de pharmacologie mais sans reveler pour autant toute leur structure.

http://www.mdrgf.org