Le suicide aux pesticides fait 300 000 morts par an dans les campagnes asiatiques
LE MONDE 15.08.07
Les pesticides de la famille des organophosphorés font de nombreuses victimes dans les pays en développement. Moins par empoisonnement accidentel, même si le problème existe, que par leur utilisation lors de tentatives de suicide.Dans un article mis en ligne, mercredi 15 août, sur le site de la revue The Lancet, Michael Eddleston, du Bureau écossais d'information sur les poisons, et trois autres chercheurs en toxicologie, se basant sur des études existantes, rapportent que 300 000 personnes meurent chaque année dans les campagnes asiatiques en ingérant volontairement des pesticides. Deux fois sur trois, il s'agit de composés organophosphorés, les plus répandus.Dans ces zones rurales d'Asie, on estime à 500 000 le nombre de décès par suicide. Dans 60 % des cas, le moyen utilisé est l'absorption de pesticides. Ces empoisonnements ne sont pas bien pris en charge sur le plan médical et de 15 à 30 % des tentatives de suicide aux organophosphorés provoquent le décès. Généralement, les victimes sont admises dans des hôpitaux locaux dénués d'équipements spécialisés et dans lesquels les antidotes, lorsqu'ils existent, sont peu employés.Fruits d'une recherche sur les gaz de combat entamée lors de la seconde guerre mondiale, les pesticides organophosphorés, comme le malathion, se sont substitués, dans les années 1970, aux organochlorés, dont le chef de file, le DDT, faisait l'objet d'interdictions. Moins toxiques que le DDT et très efficaces, ils sont employés dans le monde entier.HOSTILITÉ DES INDUSTRIELSLes organophosphorés inhibent certaines enzymes, notamment l'acétylcholinestérase. Cela se traduit par une accumulation d'acétylcholine (un neurotransmetteur) et une stimulation excessive des récepteurs de l'acétylcholine à divers niveaux du système nerveux. Ces perturbations entraînent des troubles digestifs (vomissements, diarrhée, crampes abdominales) et cardiovasculaires (troubles du rythme, modification de la tension). Après une absorption massive, les personnes meurent souvent d'une défaillance respiratoire qui provoque l'asphyxie.A la toxicité connue peuvent s'ajouter des facteurs aggravants, par exemple une modification chimique du produit, due aux conditions de stockage, ou, dans certains pays, d'une concentration élevée en principe actif.Outre les classiques manoeuvres de réanimation, le traitement fait généralement appel à l'atropine, un antidote classique qui se fixe sur certains récepteurs de l'acétylcholine dans le système nerveux, et à un composé organique azoté qui réactive l'acétylcholinestérase. D'autres médicaments sont parfois utilisés, que ce soit les benzodiazépines ou le sulfate de magnésium.Les auteurs de l'article rappellent qu'il n'existe pas d'étude établissant la supériorité d'un type de traitement sur les autres. Michael Eddleston et ses collègues espèrent donc que, "dans la décennie qui vient, les faits établis par la recherche persistante en Asie contribueront finalement à une ligne de conduite claire sur la façon de traiter l'empoisonnement aux organophosphorés".Les chercheurs redoutent cependant que "des pesticides organophosphorés se révèlent difficiles à traiter avec les traitements actuels, ce qui impliquerait que l'interdiction de certains pesticides soit la seule méthode pour réduire significativement le nombre de décès après empoisonnement". Une solution qui risque de se heurter à l'hostilité des industriels de la chimie. Paul BenkimounArticle paru dans l'édition du 16.08.07
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