Pesticides. Le tribunal de Lyon vient de condamner le géant de l'agrochimie Monsanto pour «publicité mensongère».
( Libération, S 27 01 07 , Eliane PATRIARCA)
C'est la victoire de David contre Goliath. Monsanto, le mastodonte de l'agrochimie, dont le siège français se trouve à Bron, dans la banlieue lyonnaise, était poursuivi pour publicité mensongère autour du Roundup, le désherbant le plus vendu au monde, par l'association Eaux et rivières de Bretagne (ERB). Vendredi à Lyon, Monsanto Agriculture France a été condamné à payer une amende de 15 000 euros. Le distributeur du Roundup, la société Scotts France, poursuivie pour les mêmes faits, a aussi été condamnée à une amende de 15 000 euros. Le tribunal correctionnel a également ordonné la publication du jugement dans le quotidien le Monde et dans Maison & Jardin Revue. ERB avait déposé sa plainte en 2001, scandalisée par la campagne publicitaire déployée par Monsanto. Leader en France de la vente de pesticides aux particuliers, l'agrochimiste a bâti le succès de sa gamme phare sur une image «écolo». Qualifié dans les publicités de «biodégradable», le Roundup (une dénomination générique pour une gamme de produits) était aussi censé «respecter l'environnement», «laisser le sol propre». Glyphosate. «En 2000, Monsanto s'est payé une grosse campagne de pub à la télé pour le Roundup. Nous, on venait d'obtenir les résultats d'études qui montraient la présence massive de glyphosate, la matière active du Roundup, dans les rivières bretonnes», se souvient Gilles Huet, délégué de l'association (1). Or le glyphosate est un produit dangereux pour l'environnement et la santé, dont la présence dans l'eau et les aliments est réglementée par de multiples textes français et européens. En 2001, il est classé par la Commission européenne comme «toxique pour les organismes aquatiques» et pouvant «entraîner des effets néfastes à long terme pour l'environnement». «Avec ses pubs mensongères, Monsanto a favorisé la banalisation de l'usage de ce pesticide, le plus vendu aux jardiniers amateurs», déplore ERB. Une banalisation qui se traduit, selon l'association, par le fort taux de pollution des eaux françaises : les deux molécules chimiques issues du Roundup sont détectées respectivement dans 55 % et 35 % des eaux superficielles (2).Aux Etats-Unis, à la suite d'une procédure judiciaire menée dans l'Etat de New York, Monsanto avait dû cesser, dès 1996, ce type de publicité sur le territoire américain. Mais en France, ce n'est que depuis 2003 que les produits Roundup ne sont plus porteurs de ces qualifications fallacieuses.Depuis 2001, la toxicité du Roundup pour l'environnement et la santé a été confirmée par de nouvelles études scientifiques. «L'équipe du Pr Robert Bellé, du CNRS de Roscoff, a mis en évidence le caractère potentiellement cancérigène de l'herbicide (1), précise Jean-Paul Guyomarc'h, responsable du dossier pour ERB. Celle de Gilles-Eric Seralini, professeur de biologie moléculaire à l'université de Caen, montre que le Roundup est aussi un perturbateur endocrinien.» Le procès avait été reporté deux fois. Mais vendredi, dans son jugement, le tribunal correctionnel de Lyon a estimé que «l'utilisation combinée sur les étiquettes et emballages des termes et expressions "biodégradable", "laisse le sol propre", etc., [...] pouvait laisser faussement croire au consommateur à l'innocuité totale et immédiate desdits produits par suite d'une dégradation biologique rapide après usage [...] alors qu'ils peuvent au contraire demeurer durablement dans le sol, sous la forme de glyphosate et de son adjuvant, voire se répandre dans les eaux souterraines». «Confiance». Plus gênant encore pour Monsanto, la justice a considéré que l'industriel savait parfaitement, et «préalablement à la diffusion des messages publicitaires litigieux, que les produits visés présentaient un caractère écotoxique». Pour le porte-parole de Monsanto France, Yann Fichet, ce jugement «ne remet pas en cause l'utilité des produits de la gamme Roundup». «Il existe une relation de confiance entre nos produits et ses utilisateurs, et nous pensons que les consommateurs continueront à utiliser le Roundup», ajoutait-il vendredi. Monsanto étudie la possibilité de faire appel.Au contraire, pour Eaux et rivières de Bretagne, à qui Monsanto doit verser 5 000 euros de dommages et intérêts, «cette condamnation met fin au mensonge de la firme, remet les pendules à l'heure» et «constitue une excellente nouvelle pour la protection de l'eau». D'ailleurs, rappelle ERB, l'article 36 de la loi sur l'eau adoptée le 30 décembre dernier prohibe «les publicités pouvant donner une image exagérément sécurisante ou de nature à banaliser l'utilisation des pesticides». (1) Libération des 29 octobre et 5 novembre 2004.(2) Dernier rapport de l'Institut français de l'environnement.
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